Travailleur handicapé et inaptitude

Le refus, même implicite, de prendre des mesures d’aménagement peut constituer une discrimination !

Retour sur la décision de la Cour de cassation du 15 mai 2024, n°22-11.652

1/ Rappel des faits

a- Contexte

Dans cette affaire, une salariée, reconnue travailleur handicapé, a été déclarée inapte à son poste mais apte à un autre poste avec des mesures d’aménagement.

Celle-ci a fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude et l’a contesté. 

b- Les demandes du salarié

La salariée a justifié sa contestation par le fait que son employeur n’ait pas adopté les mesures d’aménagement prescrites par le médecin du travail dans le cadre de son obligation de reclassement.

2/ Décision de la Cour

a- La Cour d'appel

La Cour d’appel a constaté que l’employeur n’avait pas pris en compte le statut de travailleur handicapé de la salariée, et ne lui a proposé aucune mesure particulière dans le cadre de la recherche de reclassement et a considéré que cela constituait une discrimination.

Elle a ensuite jugé le licenciement de la salariée, nul.

b- La Cour de cassation

La Cour de cassation n’est pas de cet avis. Celle-ci a d’abord précisé que :

  • Le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement a pour conséquence de priver de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;
  • La règlementation prévoit, afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés, que l’employeur doit prendre les mesures appropriées pour permettre à ces salariés d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée ;
  • Ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en œuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l’aide dont l’employeur peut bénéficier à ce titre ;
  • Le refus de prendre ces mesures peut être constitutif d’une discrimination.

 

La Cour de cassation a ensuite précisé la démarche à suivre pour les juges saisis d’une action au titre de la discrimination en raison du handicap :

  • Le juge doit rechercher si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une telle discrimination, tels que :

    → le refus, même implicite, de l’employeur de prendre des mesures concrètes et appropriées d’aménagements raisonnables, le cas échéant sollicitées par le salarié ou préconisées par le médecin du travail ou le comité social et économique,

    → ou son refus d’accéder à la demande du salarié de saisir un organisme d’aide à l’emploi des travailleurs handicapés pour la recherche de telles mesures.

  • Le juge doit rechercher si l’employeur démontre que son refus de prendre ces mesures est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison du handicap, tenant à l’impossibilité matérielle de prendre les mesures sollicitées ou préconisées ou au caractère disproportionné pour l’entreprise des charges consécutives à leur mise en œuvre.

2/ Conclusions

La Cour de cassation a considéré que, dans cette affaire, les juges n’ont pas respecté la démarche susvisée dans la mesure où ils ont jugé nul le licenciement de la salariée au seul motif que l’employeur n’a pas pris en compte le statut de travailleur handicapé de la salariée, et ne lui a proposé aucune mesure particulière dans le cadre de la recherche de reclassement.

La Cour de cassation a donc renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel.

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